L’avifaune (2)

L’avifaune (2)

La faune du Faron

Fin de l’automne et deuxième rendez-vous avec Pierre, notre guide, pour découvrir les oiseaux dans le Faron. Le froid est arrivé et une fine pellicule de neige recouvre les collines environnantes. Nous nous retrouvons à 5 h 30 au pied du Mont toulonnais et il fait nuit lorsque nous démarrons en empruntant des drailles pour gagner notre cabane d’observation. Un petit vent nous cingle le visage et nous arrivons un peu haletants à notre poste, au milieu d’un lentisque odorant, à temps pour bénéficier d’un lever de soleil rougeoyant. C’est le moment où notre ami le rouge-gorge s’emploie à réveiller la forêt, suivi par le merle, et d’autres espèces se manifestent bientôt.

Voici un rouge-queue titys; ce passereau communément appelé « rossignol des murailles » se reconnaît à la teinte rousse de sa queue, son corps est couvert d’un plumage gris-brunâtre pour les femelles. Après quelques secondes, un mâle arborant sa poitrine noire vient rejoindre sa compagne et tous deux s’appliquent à picorer au sol quand nous avons la visite surprise d’un petit vol de bruants ortolan. Ils semblent pressés car, après une brève halte sur le pin face à nous, ils s’envolent en direction des îles d’Or.

Les ortolans de François Mitterrand

Georges-Marc Benamou nous apprend que, pour son repas d’adieu, sept jours avant sa mort, François Mitterrand, en compagnie de ses fidèles, a mangé des ortolans.

« Au milieu du repas, les invités, les hommes et l’ancien président de la République glissent la tête sous une serviette : « C’est une dizaine de taches blanches, une drôle d’assemblée de fantômes qui suçotent, pendant que les femmes parlent à voix basse… Il faut prendre la tête de l’ortolan brûlant dans sa bouche et la broyer, la faire craquer franchement sous les dents.

Pour convenablement apprécier ce qu’il en est de notre culture et de notre civilisation, il faut imaginer le mourant, cadavérique, avec cette tête d’oiseau brûlant dans la bouche, et ressortant de dessous la serviette « chaviré de bonheur ».

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 Marcelin Pleynet (« Situation »), « Tel Quel »-L’Infini N° 58.)

La forêt semble se rendormir mais une volée de verdiers d’Europe et de serins cini la ranime. Ils sautent de branche en branche et certains s’intéressent aux baies de laurier-tin.

Un couple d’écureuils qui se poursuit sème la panique et ils s’enfuient à notre grand regret. C’est une journée claire, bien ensoleillée et froide, et Pierre nous chuchote que grâce à ce temps nous allons sans doute voir d’autres migrateurs.

Et en effet ! Peu de temps suffit pour qu’arrivent des mésanges bleues et des mésanges huppées. Une fois posées, elles s’emploient à nettoyer à coups de bec les  arbres et des arbustes. Ce sont des acrobates : suspendues au bout des branches par leurs griffes, elles se délectent de petits insectes. Soudain, un grimpereau monte à la verticale du pin mais ne trouvant pas ce qu’il cherche, il prend son envol en direction d’un arbre voisin.

Dans le même temps, sur le lierre à proximité,  a lieu un ballet de fauvettes à tête noire et à tête rousse et de deux fauvettes melanocephales. Les mâles ont une calotte noire tandis que chez les femelles elle est rousse.

Midi approche et Pierre nous rappelle que nous devons rejoindre la ville. Avant de sortir de la cabane, nous bénéficions d’un vol de becs croisés qui se pose sur l’amandier. Pierre nous fait distinguer les mâles au poitrail rouge des femelles au plumage gris verdâtre. Nous attendons patiemment le départ de ces beaux passereaux pour quitter les lieux à notre tour. Effrayé, un couple de corbeaux noirs renonce à se poser et poursuit sa trajectoire. Sur le chemin du retour, Pierre nous arrête pour observer deux pouillots.

Un peu plus loin, un vol de roitelets retient notre attention et, quelques instants plus tard, nous avons la chance d’apercevoir une fauvette passerinette. Après avoir traversé des éboulis nous rejoignons un fort que nous contournons et, là, nous tombons sur deux tichodromes qui grimpent sur le mur d’enceinte. Au sol, quatre ou cinq accenteurs alpins cherchent leur nourriture.

Au cours de la descente, nous observons d’autres oiseaux dont des merles effrayés qui s’envolent en criant.

Pierre nous dit que le Faron abrite une cinquantaine d’oiseaux nicheurs se répartissant dans les différents milieux. Ce sont presque toutes des espèces protégées sur le territoire national, rares ou très rares (faucon crécerelle, épervier, hibou grand duc, petit duc, chouette hulotte).

Dans le courant des mois de septembre et octobre on peut observer le circaète Jean le Blanc lors de sa migration. On a parfois la chance de voir l’aigle de Bonelli qui vit sur les falaises au-dessus du Revest. Il lui arrive de chasser sur le sommet du Faron.

La Provence littorale est une zone privilégiée d’hivernage du fait de ses hivers presque toujours doux et sans gel (Oublions cette fin février/mars 2018 !). Du mois d’avril à juin, les oiseaux qui restent dans la garrigue provençale pour se reproduire sont peu nombreux alors qu’en automne et pendant l’hiver, on assiste à une afflux considérable d’oiseaux migrateurs d’Europe du Nord et de l’Est. Ainsi, dès les premiers jours de printemps, le massif reçoit la visite de la huppe et des rossignols égaient les nuits de leur chant mélodieux. En tant qu’espace naturel le Faron constitue une aire de repos et de reproduction. La faune est bel et bien présente pour qui sait être observateur, attentif et patient. Il faut faire preuve de vigilance et limiter les perturbations provoquées par les aménagements et la fréquentation humaine des crêtes, des éboulis et lapiaz. Toute augmentation de la fréquentation dans ce site, déjà très visité, aura des répercussions certaines sur la faune et la flore.

Ces quelques heures passées sur les pentes du Faron dans un silence religieux à observer la faune nous encouragent à y retourner. Notre guide nos fait une liste non exhaustive d’oiseaux à découvrir : martinet noir, martinet alpin, merle bleu, alouette lulu, choucas des tours… Nous arrivons sur la corniche et, avant de nous séparer, Pierre nous allèche en nous invitant à découvrir les oiseaux nocturnes lors d’une prochaine sortie.